Pour les vacances, je vous partage un court texte de fiction que j’avais écrit il y a quelque temps après un travail sur les Fables de La Fontaine. Le sujet me paraît bien coïncider avec la période estivale. En tant qu’indépendante, je m’interroge régulièrement sur la manière de profiter au mieux de ce que les réseaux sociaux et internet ont de bon à m’apporter sans basculer du côté obscur de la force – ils m’ont permis notamment de faire de très belles rencontres et de démarrer mon activité pendant le confinement. J’essaye néanmoins de repérer les premiers signes de fatigue bien réelle liée au virtuel et de respecter mes limites. Et vous, est-ce que vos vacances sont synonymes de déconnexion totale ? Bonne lecture !

Après un cours de yoga et un massage d’ayurveda, Aurore et Murielle prirent leurs quartiers sur la plage de Silent Beach, bordée de cocotiers et ornée de sable fin. Malgré la chaleur de midi, plutôt que de plonger dans la piscine grouillante de touristes new age de leur resort cinq étoiles, elles avaient préféré rejoindre ce coin de nature armées d’un bon chapeau et badigeonnées de crème solaire.
« Coupées du monde, on se retrouve » souria Murielle devant le panorama.
« Dommage qu’on ne puisse pas se baigner, les vagues sont trop grosses, les rochers trop nombreux, soupira Aurore.
– Ramassons des coquillages, ça fera de beaux souvenirs ! » suggéra Murielle.
Et elles se promenèrent les pieds dans l’eau, mettant dans leur panier spirales et cônes multicolores.
« Ils seront parfaits dans ma salle de bain ! » s’extasia Murielle.
Soudain, elles tombèrent sur un barque de pêcheur, d’un vert éclatant et d’un bleu lumineux.
« Attends, ne bouge pas ! s’écria Aurore, je vais faire une photo ! »
Le navire mitraillé, elle ajouta :
« Et si j’intitulais cette photo #leparadis ? »
Mais Murielle, absorbée par ses pensées, contemplait l’horizon.
« Des vagues, des vagues, et encore des vagues, le ressac. Une vaste étendue qui change sans cesse d’apparence, jamais identique à l’instant d’avant et qui pourtant reste toujours la même… L’impossibilité de se dégager de ce qu’elle est. Toujours semblable alors qu’elle devient autre.»
Ces mots saisirent Aurore. La mer était une parfaite illustration de leur cours de méditation. Elle s’aventura plus loin dans la réflexion.
« Et la vague, c’est aussi le retour en arrière ! Nous voilà devant la métaphore vivante de notre esprit. Dans cet horizon infini qui s’ouvre devant nous, nous devrions lire les mille possibilités que la vie nous offre et pourtant, nous y voyons le reflet du retour du même ! Contempler le déferlement des vagues nous renvoie à cette boucle qui nous retient prisonnières de la négativité. Mais alors Murielle, crois-tu que les mots « ressac » et « ressassement » ont la même racine ?
– Ce serait épatant, se réjouit Murielle. Vite ! Faisons une recherche. »
Et Aurore tapota sur son smartphone.
« Alors ? » s’inquiéta Murielle, voyant son amie scruter son écran avec nervosité.
« Je crois qu’il n’y a pas de wifi ici… soupira Aurore. Il fait chaud en plus, tu ne trouves pas ? Et si nous retournions à l’hôtel ? »
Telle est l’époque. Nous recherchons la magie de l’instant présent, mais entre un coucher de soleil et une connexion internet, c’est la seconde qui l’emporte net.